Novelita

Le vivant dans tous ses émois

image_author_Anne-Sophie_Novel
Par Anne-Sophie Novel
28 avr. · 4 mn à lire
Partager cet article :

Allez viens, j't'emmène au vent

Je t'emmène au-dessus des gens...

Bonjour ! Voici la dixième édition de Novelita, la lettre du vivant dans tous ses émois. Bienvenue à toutes celles et tous ceux qui se sont abonné•es depuis la dernière édition !

Vous avez peut-être découvert mes écrits à travers Le Monde ou ailleurs, via mes livres ou sur LinkedIn… et je suis heureuse de vous retrouver ici.

Novelita souhaite partager des histoires qui parlent de ce qui nous lie intimement, et de ce qui peut nous sauver au-delà des simples opinions ou indignations.

Il s’agit d’un espace libre. Aucune norme et aucun format définitif ne viennent encore la baliser…

Coup de vent

S’aérer l’esprit, prendre l’air, reprendre son souffle et… trouver l’inspiration. C’est ce que je suis venue chercher en Bretagne ces quinze derniers jours. Je rentre tout juste, avec l’envie de vous glisser quelques mots aujourd’hui…

L’histoire a lieu à L’Améthyste, à Crozon, il y a une dizaine de jours. Une fin d’après-midi, plein d’enfants pour un spectacle “à ne pas louper”, m’a dit mon amie. Nous sommes assis•es en rond, autour d’une scène bordée de ventilateurs en inox. Le sol est noir. Les ventilos à l’arrêt. L’homme qui se tient au centre, devant nous, me fait penser à un marin. Son caban, son bonnet, sa carrure. Son regard, ses traits. Quelques notes, quelques pas. Il s’assoit à genoux, sort d’immenses ciseaux, puis dispose devant lui deux poches de plastique rose. Il les étale soigneusement avant de les découper méticuleusement. Un bras, puis deux. Une tête. Les hanses forment comme des jambes. Tiens, que fabrique-t-il ?

De sa poche, il s’empare d’un rouleau de ruban adhésif. Les morceaux qu’il détache d’un coup d’incisives viennent maintenir les morceaux de plastique. Il n’y va pas de main morte. Puis laisse la créature ainsi créée au sol, avant de sortir du cercle pour s’installer sur une console installée en marge de la scène. Tel un capitaine qui se met à la barre, il donne le coup d’envoi. Les ventilateurs se mettent en marche, tour à tour, alors qu’en fond résonne la mélodie du Prélude à l’après-midi d’un faune.

C’est là que tout prend forme. Car notre faune est ici le marionnettiste qui joue du souffle qu’il instille pour animer sa créature… un coup à droite, l’autre à gauche. Avec légèreté, elle prend vie. Se soulève, tourne, retombe, se relève. Elle danse et s’élève, légère. Les enfants, petits et grands, rient ou sourient, éblouis. Le ballet aérien décrit par cet objet du quotidien subjugue autant qu’il n’interroge. Le voir ainsi mener sa vie dans les airs, guidé d’une main humaine, accompagné bientôt d’autres sacs de couleurs variées, vient titiller notre imaginaire… On regarde alors le monde autrement, conscient de ce qui nous dépasse avec cette avalanche de matière qui asphyxie tant notre monde, maintenant.

L'après-midi d'un foehn © Philarmonie de ParisL'après-midi d'un foehn © Philarmonie de Paris

Pour garder le cap, tirer des bords

Nous sommes le vent qui souffle sur les braises…

Du vent : il en a fallu pour réaliser un rêve de gosse, profitant des plages du bout du monde la semaine dernière pour tester le char à voile. N’en déplaise à Mbappé et son amour des jets privés, cette expérience est aussi amusante qu’utile pour rappeler qu’atteindre son but, avec un vent de face, consiste à tirer des bords et osciller… Ou comment danser, là encore, avec la force des éléments.

Du vent : la Bretagne en porte les stigmates avec les nombreux arbres à terre depuis le passage de Ciarán, en novembre dernier… Si cet événement climatique n’est pas totalement attribuable au changement climatique, il marque en ces lieux — comme ailleurs en France avec les inondations et les crues de ces derniers mois, les traces d’une évolution de ce que “tempête” veut dire

Du vent : dans le débat médiatique, il est trop souvent brassé pour ne rien dire. Du vent mauvais qui n’inspire rien de bon… Du vent qu’il est bon de faire cesser en fermant les écoutilles pour arriver à penser loin de ce brouhaha incessant qui ne donne actuellement aucun cap bienveillant.

"On étouffe ces temps-ci, peut-être à force d’oublier de respirer... alors l’air de rien, prendre une bouffée d’air pur, et s’offrir un spectacle aérien d’une somptuosité à couper le souffle” © La Ronce, avril 2024"On étouffe ces temps-ci, peut-être à force d’oublier de respirer... alors l’air de rien, prendre une bouffée d’air pur, et s’offrir un spectacle aérien d’une somptuosité à couper le souffle” © La Ronce, avril 2024

À force de semer le vent, on récolte la tempête… mais faut-il renoncer à sauver un navire de la tempête sous prétexte qu'on ne saurait empêcher le vent de souffler ? Aucunement, évidemment.

Pour aller plus loin

La question du moment

Dans le cadre d’un des projets sur lequel je travaille en ce moment, une question me traverse : savez-vous ce qui nous pousse à toujours vouloir être les premiers ? À accumuler, avancer, aller toujours plus haut, plus loin ? Qu’est-ce qui nous empêche de renoncer ? Pourrions-nous sereinement en être capables ? Collectivement ? Massivement ? Vos réponses et théories m’intéressent !!

En silence, ça pousse

  • Le dernier numéro d’Imagine Demain le Monde (printemps 2024) livre une sacrée leçon d’humanité dans un long reportage d’Hugues Dorzée consacré aux chemins de la réconciliation, trente ans après le génocide. On y découvre le travail mené par différentes associations pour rapprocher progressivement différents groupes sociaux confrontés à un passé commun tragique. De quoi en savoir plus sur la philosophie humaniste ubuntu (« Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ») qui résonne d’une manière particulière avec ce qui se passe actuellement ailleurs dans le monde…

  • La dernière revue Dard Dard est consacrée aux stratégies locales d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. En montagne comme en bord de littoral, plusieurs initiatives sont mises en avant et éclairées ! J’ai le plaisir d’y signer le portrait de Sanaa Saitouli, cofondatrice de Banlieues Climat, une nana au parcours incroyable, dont nous n’avons pas fini d’entendre parler à mon avis !

  • Maxime Blondeau se dit “cosmographe”. Celles et ceux qui le suivent sur Linkedin ou sur sa newsletter Cosmorama le savent bien : il aime transmettre sa passion pour la géographie et l’anthropologie, et en appelle, au quotidien, à un nouveau regard sur l’espace et le vivant. La bonne nouvelle est qu’il s’est lancé dans la création d’une oeuvre qui s’appuie sur les points cardinaux de son travail - le géo, le bio et le techno. Il mène actuellement une campagne de pré-vente de Géoconscience, le premier tome, en 196 pages, de cette œuvre conçue pour penser le territoire autrement.

  • Enfin, parce que nous vivons dans la vie, et pas dans l’actualité, je vous invite à découvrir L’intimiste - vous ne le regretterez pas, car il n’y a aucun risque ici de vous prendre un vent :)

Petit agenda personnel

PS : un titre, ça fait parfois tout. Mais plutôt que de systématiquement chercher à “capter” votre attention, j’ai décidé que les titres et sous-titres annonçant chaque édition de Novelita seraient tirés d’une chanson - une chanson en lien avec le sujet, œuf corse ! Si vous avez la réponse, n’hésitez pas à me la partager, ça nous donnera l’occasion de papoter :)

PS 2 : Bravo à Magdaleine, Albert et Julien qui ont rebondi après lecture de la neuvième édition sur
ces paroles de la Rue Ketanou, que j’adore ! Julien m’a donné des frissons en prolongeant la chanson avec plein de nouveaux mots pour Novelita. Je suis drôlement flattée :)
Un mot pour tous, tous pour un mot !
Des mots croisés, pour les néologistes
Des momies, pour nos académiciens
Et des Mona, pour les chauffer
Des mots doux, pour les gentils
Et des molosses, pour les pas gentils
Des mots d'elles, pour nous inspirer
Des moratoires, pour nous laisser respirer
Des mots nouveaux, pour ta newsletter...

...