Bonjour ! Voici la cinquième édition de Novelita, la lettre du vivant dans tous ses émois.
Vous avez peut-être découvert mes écrits à travers Le Monde ou ailleurs, via mes livres ou sur LinkedIn… et je suis heureuse de vous retrouver ici.
Novelita souhaite partager des histoires qui parlent de ce qui nous lie intimement, et de ce qui peut nous sauver au-delà des simples opinions ou indignations.
Ces premières éditions poussent avec vous, afin de trouver le ton, la formule et ce qui pourrait vous tenir en haleine. Merci pour vos encouragements et suggestions ! N’hésitez pas à me partager vos envies éventuelles, je repars avec joie d’une page blanche, elle nous appartient.
Enfer des montagnes
La dernière édition de Novelita se passait dans les Alpes du Sud, et je vous propose de rester perché dans les montagnes aujourd’hui. Sans doute parce que Novel est le nom d’un petit village de Haute Savoie situé à proximité de la frontière suisse ; sans doute parce qu’une partie de ma plus tendre enfance a été rythmée par des vacances d’hiver ou d’été passées dans les hauteurs de Chambéry ; mais surtout parce que ce milieu est aux premières loges du changement climatique… Alors qu’une partie des français•es fait rimer vacances de février avec semaine au ski, il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet…
La scène se passe en août 2019, en plein cœur de l’été. Un ami alpiniste, visiblement affecté, me transmet via WhatsApp une photo poignante du Bivouac des Périades en train de s'effondrer, accompagnée d'un commentaire nostalgique : « J’y étais allé il y a quelques années 😥 ». Son message, renforcé par l’image suivante, transmet toute l'ampleur de son désarroi.
Il n’a pas besoin de m’en dire plus. Ce passionné d’escalade et d’aventure de plein air accuse le coup. Alors employé d’une importante ONG de défense de l’environnement, il sait pertinemment que la montagne dévisse en raison du changement climatique. Dans les Alpes, à ces altitudes, la hausse des températures estivales entraîne la fonte du pergélisol. Ce ciment de glace vieux de plusieurs milliers d’années tient les parois rocheuses. Avec le réchauffement, cette glace fond et ne joue plus sa fonction dans les fissures. En conséquence, la montagne se désagrège, elle s’émiette sous nos yeux.
En hiver, la situation n'offre guère de répit. La douceur hivernale ne permet plus aux glaciers de se refaire une santé, et nos châteaux d’eau naturels sont à la peine. Avec un réchauffement de 4 °C, 98 % des 2 234 stations de ski européennes devraient connaître « un risque très élevé d'approvisionnement en neige », ont averti les scientifiques (en août 2023 dans Nature Climate Change).
Cette année, les symptômes sont plus évidents que jamais. Un ami, depuis les Alpes du Sud, m'a récemment confié : « c’est dingue, ils ne savent plus comment faire. Il neige fort un jour, le lendemain ça fond, le surlendemain ça gèle, ça fait des plaques dures comme du béton et c’est ingérable en station !! ».
Des proches résidant à Chambéry, au bas de la vallée, m'ont exprimé leur tristesse face à une montagne « dénaturée d’hiver ». Ils se sentent aussi désemparés et questionnent la construction d’usines à neige artificielle au pied des pistes : à quoi rime de monter skier à vélo (une super idée !) quand par défaut le système vante le métier de nivoculteur (comme ici à La Plagne). Ces « snowmaker », tels des « maîtres de la neige », sont à la tête d’une armée de canons. En charge de l’or blanc, leur métier consiste à « imiter la nature » en utilisant d’astronomiques quantités d’eau, d’énergie et de fonds publics pour alimenter le secteur touristique. Cette dernière a d’ailleurs été épinglée, début février, par la Cour des comptes : « La production de neige (…) ne constitue qu’une protection relative et transitoire contre les effets du changement climatique. Son coût est en effet important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures : dans certains cas, la production de neige peut tendre vers une mal-adaptation », relève l’institution qui regrette le manque d’intégration des prospectives climatiques.