Bonjour ! Voici la sixième édition de Novelita, la lettre du vivant dans tous ses émois.
Vous avez peut-être découvert mes écrits à travers Le Monde ou ailleurs, via mes livres ou sur LinkedIn… et je suis heureuse de vous retrouver ici.
Novelita souhaite partager des histoires qui parlent de ce qui nous lie intimement, et de ce qui peut nous sauver au-delà des simples opinions ou indignations.
Ces premières éditions poussent avec vous, afin de trouver le ton, la formule et ce qui pourrait vous tenir en haleine. Merci pour vos encouragements et suggestions ! N’hésitez pas à me partager vos envies éventuelles, je repars avec joie d’une page blanche, elle nous appartient.
Bleue ou bien cuite ?
Bonjour à toutes et à tous,
Tumultueux comme jamais, le Salon de l’agriculture s’est donc clôturé ce soir. Actualité oblige, de nombreux papiers et reportages ont été faits sur les alternatives agricoles plus durables ou très tech, des élevages moins concentrationnaires et nombre de portraits d’agriculteurs aux parcours exemplaires… Le gouvernement, lui, en a profité pour multiplier les annonces et publier le décret interdisant les dénominations “steak”, “escalope” ou “jambon” pour les produits végétaux. Mais avons-nous, à cette occasion, posé LA bonne question ?
La scène se passe il y a dizaine de jours, à Barcelone. Nous avons pris une petite semaine de vacances en famille, évitant, en cette période, la foule et la chaleur. En six heures de train depuis Bordeaux, nous sommes allés tranquillement profiter des jardins, de la plage, des musées… Ponctuant nos journées à découvrir, entre autres, l’univers de Miro et Gaudi. À sonder aussi la vie dans une ville touchée par une sécheresse inédite, hélas amenée à se reproduire de plus en plus souvent.
Un soir, pour varier des tapas, je fouine dans les recommandations du Routard et trouve sur notre chemin un lieu qui me semble parfait pour dîner : « LE restau végétarien de Barcelone (…) À la carte, lasagnes, burgers, Toulouse, risotto… une cuisine franchement délicieuse, très prisée des locaux », est-il écrit. De quoi soigner les envies de cuisine saine des uns avec le désir de burgers et de pâtes des autres !
Nous arrivons tôt, et bien nous en a pris : en ce jeudi soir, tout est complet, mais ils peuvent nous servir avant la réservation de 20 h ! L’endroit est immense, joliment décoré, et assez branché. Dans nos assiettes, la cuisine est joliment présentée et franchement savoureuse. Le burger végétarien reçoit un 5 sur 5 de mon ado, qui le trouve succulent. C’est plus qu’un bon point - jusqu’à maintenant, le seul burger végétarien qui a trouvé grâce à ses yeux est celui cuisiné par Vincent, de l’“Authentik food truck” qui vient tous les vendredis soir dans notre commune… sans que cela lui donne envie, pour autant, de renoncer à la viande rouge… (l’adolescence et l’écologie, je ferai un papier là-dessus à l’occasion :)
De retour à la maison, je me suis renseignée plus en détail sur Teresa Carles, la femme derrière cette adresse, et j'ai réalisé que nous avions découvert l'univers d'une personne qui, depuis toujours en Catalogne, promeut une cuisine saine et attrayante. Le site Food and Sens parle d'elle comme de « l'icône de la cuisine verte en Espagne », une « exception culinaire mondiale » ayant « créé un véritable concept, observé par des entrepreneurs du monde entier pour comprendre son succès ». Cette chef a décidé, dès 1979, de rendre la cuisine végétarienne appétissante pour tous et d'encourager une alimentation plus saine. Cette « papesse du végétarien » en Espagne a ouvert plusieurs établissements et développé plusieurs marques (notamment une large gamme de jus de fruits et légumes pressés à froid)... des initiatives dont je n'avais jamais entendu parler en France !
Clairement inspirée par la « healthy food » et la cuisine végétarienne à l'américaine, Teresa Carles démontre, comme d'autres chefs en France et ailleurs, que la cuisine végétarienne possède de nombreux atouts. Se priver de viande n'est pas une contrainte triste lorsqu'on comprend que cela ouvre la possibilité de cuisiner différemment, de faire des découvertes inattendues et d'ouvrir un univers gustatif ainsi que des perspectives de vie différentes.
Je dis cela en connaissance de cause : végétarienne depuis plus de 7 ans, je me suis intéressée à la cuisine locale et de saison dès mon premier ouvrage, en 2009. Ce sujet m’a amené à écrire à plusieurs reprises sur le sujet, et à toujours questionner le pouvoir de notre assiette. Aussi faut-il le reconnaître aujourd’hui : priver notre cuisine de protéines animales reste encore un sujet tabou.
C’est d’ailleurs tout le propos du livre que j’avais emporté avec moi en Espagne et qui devrait faire parler de lui tant son auteur, Jean-Marc Gancille, est déterminé à faire de cette question un sujet aussi important que celui de la sortie des énergies fossiles. « La prise de conscience est dramatiquement faible », explique-t-il dans « Comment l’humanité se viande », qui vient de paraître chez Rue de l’échiquier.
De manière aussi efficace que dans ses précédents ouvrages (Ne plus se mentir,dont j’avais parlé ici en 2019 ou Carnage, en 2020) Jean-Marc (je le connais depuis qu’il a cocréé Darwin, à Bordeaux, où il a justement ouvert un restau végétarien assez pionnier en son genre) commence par accumuler une avalanche de chiffres éloquents. Pour vous donner une idée, j’en ai fait une “petite” sélection ci-dessous, disséminés au fil des premiers chapitres :