J'arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître
Bonjour ! Voici la première édition de Novelita, la lettre du vivant dans tous ses émois.
Vous avez peut-être découvert mes écrits à travers Le Monde ou ailleurs, via mes livres ou sur LinkedIn… et je suis heureuse de vous retrouver ici.
Novelita souhaite partager des histoires qui parlent de ce qui nous lie intimement, et de ce qui peut nous sauver au-delà des simples opinions ou indignations.
Les premières éditions vont pousser avec vous, afin de trouver le ton, la formule et ce qui pourrait vous tenir en haleine. N’hésitez pas à m’encourager ou à me guider, et à me partager vos envies éventuelles, je repars avec joie d’une page blanche, elle nous appartient.
Pour cette première, en guise de vœux, je voulais vous partager une belle histoire qui s’est passée dans mon entourage il y a peu. En accord avec les principaux intéressés, les prénoms ont été modifiés…
La scène se passe en juin dernier, un soir du début d’été. Mon amie Suzanne est venue dîner à la maison. Cela fait des mois que nous ne nous sommes pas vues, et je sais qu'elle a quelque chose d'important à me dire. Depuis janvier, la vie n’est pas des plus facile : des parents malades, une fille unique qui a quitté le nid, et un couple qui se déchire. Un moral en berne, un deuil à faire, des choses à digérer… la vie dans ses aspects les plus durs. Celle qui tape sur le système, avec ses épreuves qui poussent malgré nous et ses embrouilles qui sèment d’autres horizons. Celle qui fait mal et remue-ménage.
Ce soir-là, nous parlons donc des soubresauts de la vie, mais aussi de ses jolies surprises, de ses retournements inattendus. Du hasard, avec un grand H, qui vient bousculer l’Histoire.
Assez vite, je comprends curieusement que c'est de cela dont Suzanne veut me parler.
Elle remonte la pente depuis peu. Son humeur est plus légère qu’en début d’année, elle semble presque joyeuse.
« Je vais mieux, et tu n’y es pas pour rien », me confie-t-elle alors. « J’ai rencontré une personne que tu connais, quelqu’un avec qui tu as passé du temps, et qui fait partie de ta dernière enquête ».
Stupeur.
Whaaaat ?
Un sourire illumine son visage. Ma réaction l’amuse. Je suis décontenancée. Je n’imaginais pas cela. Pas si vite. Et encore moins dans le rôle d’entremetteuse !
Voyons donc… Un protagoniste de l’Enquête sauvage ? Mais de qui parle-t-elle ?
Dans ma tête défile la centaine de personnes rencontrées lors de cette année et demie d’exploration du vivant. Intriguée et curieuse, je me lance dans une sorte de Tinder mental à grande vitesse. J'ose un « Fabien ? » avant d'ajouter un incrédule « Noooon ?? » accompagné d'yeux écarquillés.
Pour la petite histoire, Fabien est chasseur. Un chasseur « à la Pagnol » avec lequel j’ai passé pas mal de temps en forêt landaise, notamment dans les palombières. À l'époque, je cherchais à comprendre la nature de son lien au vivant. Je l'ai trouvé touchant et sincère, et il avait accepté de partager sa pratique et sa vision du milieu cynégétique. Un chasseur “sympa” donc. Mais un chasseur (quand même !) - et de droite (!!)… tandis que Suzanne est une écologiste, fortement engagée à gauche, et surtout végétarienne
« Noooon ? » Si !
Comment vous dire. Dans mon logiciel de rencontres improvisé, je suis en mode « les opposés s’attirent ». J'ai peu d'espoir, mais je n'ai guère interviewé d'autres interlocuteurs que Fabien, en région bordelaise, que mon amie aurait pu croiser autrement que dans les parages… Et pourtant, bingo
« On s’est rencontrés dans le cadre de nos engagements respectifs », m'explique Suzanne, « Fabien a été très présent quand ça n'allait pas, et puis un jour, on en est venus à parler de toi. J’ignorais que tu le connaissais, et quand il m'a dit qu'il faisait partie des témoins de L'enquête sauvage, je me suis empressée de replonger dans ce passage de ton livre… et cela m’a confirmé que c’était un homme bien, car tu l’avais en quelque sorte « validé ». » Whaoooo. Mazette.
Il m'a fallu un moment pour me remettre de cette surprise… et je ne vous cache pas que cette histoire, l'an dernier, a largement marqué mon année. Ce fut la retombée la plus inattendue de mon enquête sauvage !
Chaud froid - Image retravaillée à partir d'une photo d'Ungurs Kristaps
Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, je dois vous partager cet épilogue : depuis leur rencontre, Fabien a presque arrêté la chasse. « Je ne te l'avais pas dit, mais je savais que ça arriverait un jour, Anne-Sophie », m’a-t-il confié, complice, tout sourire, alors que je suis allée les voir il y a peu, dans leur nouveau chez-eux.
Aussi, je ne saurai vous dire ce qui me plaît le plus dans cette histoire (qu'un chasseur arrête la chasse ? Que Suzanne trouve ainsi un nouvel amour ? Que de telles surprises surviennent ?) mais une chose est sûre : mon amie est fière du chemin parcouru par chacun vers l'autre dans cette relation, au-delà des étiquettes "écolo de gauche" ou "chasseur de droite" qui simplifient trop souvent notre vision du monde. « Fabien a une expérience empirique là où j'ai des connaissances théoriques (sur la vie des oiseaux, des sangliers, des cerfs… sur la production de légumes…). Il s'est glissé avec curiosité et enthousiasme dans mon alimentation végétarienne, dont il est devenu un fervent adepte, car il se régale au quotidien, tout en continuant occasionnellement à manger le produit de ses chasses/pêches », m'a confié Suzanne. « Nous échangeons beaucoup, nous expérimentons, nous questionnons les modèles et les valeurs de l'autre. Nous avons choisi de nous retrouver sur ce que nous avons en commun plutôt que sur ce qui nous oppose sur le papier… ça demande des efforts, mais le jeu en vaut la chandelle. »
Pour cette nouvelle année, je vous souhaite donc d’accueillir l’inattendu et l’inconnu au coin de la rue, et de ne jamais douter de la manière dont les choses, et les gens, peuvent changer. À bien y réfléchir, je crois même que nous avons beaucoup à apprendre du magnétisme des aimants - et des ruses subtiles à trouver pour faire basculer les forces de répulsion en forces d’attraction… Oui, j’en suis convaincue, ce qui est doux peut être puissant.
PS : Le titre et le sous-titre de cette première lettre sont tirés d’une chanson qui fête ses 50 ans cette année… et qui a été chantée par… ?
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